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L'arapède géante, une star parmi les Patellidae

Les patelles sont bien connues des populations des côtes atlantiques et méditerranéennes, où elles portent des noms usuels différents selon les régions - "berniques" en Bretagne, "jambes" en Charente-Maritime, "arapèdes" en Méditerranée - : elles sont un exemple criant du bien-fondé de la nomenclature latine utilisée mondialement par les scientifiques et qui évite les confusions dues aux appellations multiples employées ça et là.

On trouve plusieurs espèces de Patellidae dans les eaux corses dont une espèce endémique de Méditerranée : l'arapède géante, Patella ferruginea Gmelin, 1791.

Remarquable de par son diamètre (exceptionnellement jusqu'à une dizaine de centimètres), sa coquille possède de nombreuses côtes convergentes et des bords crénelés. L'intérieur de la coquille est d'un roux clair et marqué de lignes ferrugineuses concentriques.

Statut de conservation : protégée par arrêté ministériel, inscrite à l'annexe IV de la directive « Habitat, Faune, Flore », à l'annexe II de la convention de Barcelone et à l'annexe II de la convention de Berne.

L'arapède géante, Patella ferruginea Gmelin, 1791 L'arapède géante, Patella ferruginea Gmelin, 1791 © Gilles Devauchelle / MNHN

Autrefois abondante, comme en témoignent les fouilles de nombreux sites préhistoriques, l'arapède géante est aujourd'hui présente en Corse, en Sardaigne, sur les côtes d'Afrique du Nord et dans le Sud de l'Espagne. Cette grande patelle est en déclin depuis le XIXème siècle car son habitat strictement littoral la rend particulièrement vulnérable à la pollution et aux prélèvements humains - comme appâts ou pour l'alimentation -, qui s'ajoutent à la prédation naturelle par les goélands leucophées, certains crabes et le Muricidae Stramonita haemastoma (Linné, 1767), un gastéropode pouvant atteindre 60 mm. L'arapède géante est un hermaphrodite successif, c'est à dire qu'elle commence sa vie comme mâle et la termine comme femelle : les plus grands individus - particulièrement visés par les pêcheurs à pied - sont donc justement des femelles reproductrices.

Tentacules du spécimen © Gilles Devauchelle / MNHN Tentacules du spécimen © Gilles Devauchelle / MNHN
Appareil buccal de l'arapède géante Appareil buccal de l'arapède géante © Gilles Devauchelle / MNHN

Depuis la mise en place des mesures de protection dont elle fait l'objet, l'espèce a vu sa population augmenter dans des proportions importantes au sein de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, offrant des perspectives rassurantes pour cette espèce emblématique.

A l'occasion de l'expédition, « La Planète Revisitée » en Corse a obtenu l'autorisation de prélèvement de 1 à 5 spécimens qui rejoindront les collections de référence du Muséum National, spécimens qui feront l'objet, bien sûr, d'un prélèvement de tissus à des fins d'analyse génétique.

Pour en revenir aux appellations courantes, l'arapède « géante » est une géante pour les côtes françaises mais sa cousine mexicaine Scutellastra mexicana (Broderip & G. B. Sowerby I, 1829), peut atteindre plus de 30 centimètres. Ses populations ont été décimées, car très consommées et les mesures de protection déployées ne sont pas encore aussi efficaces que celles appliquées à Patella ferruginea. Elle n'est aujourd'hui connue que de deux localités dont les Îles Tres Marias, situées à 87 kms des côtes de l’État du Nayarit.

Michaël Rabiller.